L'impact des violences sur le développement somatique et psychique. |
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Facteurs de risque |
Augmentation
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Risque
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Tabagisme | 222 % | x 2,2 |
Obésité | 242 % | x 2,4 |
Dépression | 357 % | x 3,5 |
Usage de drogues illicites | 443 % | x 4,4 |
Injection de drogues | 1 133 % | x 11 |
Maladies sex. Transmissibles | 298 % | x 2,9 |
Tentatives de suicide | 1 520 % | x 15 |
Alcoolisme | 555 % | x 5,5 |
Maladies pulmonaires | 390 % | x 3,9 |
Attaque cardiaque | 220 % | x 2,2 |
Tous types de cancers | 190 % | x 1,9 |
Diabète | 160 % | x 1,6 |
Asthme | 231 % | x 2,3 |
Accident vasculaire cérébral | 218 % | x 2,2 |
Insuffisances rénales | 263 % | x 2,6 |
Arthrite | 236 % | x 2,4 |
Troubles de la vision | 354 % | x 3,5 |
Jean-paul GAILLARD
Choc traumatique et mémorisation : débriefing et débriefing différé. Une approche clinique et théorique de l’ESA et de l’ESPT - suivi de Eléments pour un protocole d’intervention en recalibrage combinatoire collectifdans la fourchette 24h.
in Revue Française de Psychiatrie et de psychologie Médicale. Décembre 2002, tome VII n° 61.
Résumé : Choc traumatique et mémorisation : une approche clinique des syndromes de stress aigu, chronique et post-traumatique. L’auteur propose des éléments pour une théorie de la mémoire traumatique, qu’il tente de vérifier à travers la mise en oeuvre de protocoles psychothérapeutiques congruents avec ces éléments de théorie. Il resitue la question de la névrose actuelle dans son rapport avec l’orthodoxie psychanalytique. Enfin, il insiste sur la nécessité d’offrir aux patients atteints de névroses actuelles et post-traumatiques un soutien psychothérapeutique actif non-psychanalytique.
Dans un second temps, l’auteur propose un protocole d’intervention à l’usage des équipes psychiatriques d’intervention d’urgence, pour les victimes d’attentats et d’accidents.
Mots-clés : perception - mémoire - mémoire 24 heures - oubli - syndrome de stress post traumatique -névrose post-traumatique - névroses actuelles - psychanalyse - science - objectivité - chronicisation - psychothérapie - équipes psychiatriques d’intervention - victimes - attentats - accidents.
Sumary : Traumatic shock an memorizing : a clinic approach of post traumatic disorders. The author suggests few elements for a theory of the traumatic memory. Then he tries to verify through psychotherapic protocols. He wonders about the psychanalytic orthodoxy concerning actual neurosis. Endly, he underlines on the necessity of offering to patients suffering of actual neurosis and SSPT a no psychanalytic therapy.
In a second time the author proposes a protocol for an immediate treatment by psychiatric teams for the victims of attemps or crash.
Key words : perception - memory - 24h.memory - forgetting - actual neurosis - post traumatic disorder - post-traumatic neurosis (posttraumatic stress disorder) - psychoanalysis - science - objectivity - chronicity - therapy - psychiatric teams - victims - attemps - crash.
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Robert P. :
M. P., 42 ans, est agent commercial. Il m’est adressé par son médecin généraliste qui le suit depuis un an, pour des difficultés croissantes dans son travail. Il me dit avoir des idées de suicide très fréquentes, et même des débuts de passage à l’acte : quand il est dans sa voiture, il se voit foncer sur les camions qui arrivent en face, ou plonger dans la rivière. Dernièrement, il s’est pris à rêver de pendaison, devant une corde pendant à une poutre dans son garage.
Il était dans un tel état, l’an dernier, que son médecin l’a arrêté de août à décembre. Cet arrêt lui a fait le plus grand bien, il a décompressé et a repris son travail en janvier, avec plaisir. Puis les choses se sont de nouveau dégradées, les tentations suicidaires sont revenues, aussi fortes et aussi incompréhensibles (la corde dans le garage). Dans son travail, il est de nouveau complètement bloqué; il n’a aucune assurance en lui. Quand il arrive dans une ville où il a 40 clients qu’il connaît bien, il peut rester hébété sur un parking, dans sa voiture pendant une heure, avant de pouvoir bouger. Ou encore, il peut s’arrêter sur le bord de la route et hurler dans sa voiture qu’il en a marre, et pleurer tout seul pendant une heure.
Son médecin l’a de nouveau arrêté depuis une semaine et lui a donné mon adresse.
Quand tout cela a-t-il commencé ?
La déprime a commencé au début de janvier 1995. Avant, il n’avait jamais connu rien de tel. Sa femme est ses enfants sont gentils, sans problème (sa femme l’attend dans la salle d’attente).
Cinq minutes avant la fin de l’entretien, il m’apprend que le 26 juin 1994, il a eu un accident de la circulation. C’était la première fois en 17 ans ce circulation intense. Il s’est assoupi et sa voiture est partie dans le fossé. Blessé à un oeil et cervicales lésées, mais pas gravement. Sa voiture était complètement détruite; il a fallu la soulever pour dégager son bras pris dessous, puis la découper pour le sortir de l’épave. Après coup, il s’est vu mort, il a eu une peur énorme.
Six mois plus tard, les troubles s’installaient.
Clarisse B. :
Elle a 28 ans, psychologue du travail. Formatrice dans un institut de formation pour adultes, elle se sentait solidement soutenue par son chef de service, qui l’encourageait régulièrement. Son travail lui plaisait et elle s’y sentait compétente, même si, au matin du début de chaque nouvelle formation elle se sentait inquiète et nerveuse; dès que les choses étaient lancées, elle reprenait pleine possession de ses moyens.
Juillet 1995, elle est enceinte de 4 mois. Son chef de service lui annonce que, à la rentrée, elle devra assurer des cours de psychologie générale à des futurs cadres hospitaliers : panique à bord ! Elle ne se sent pas capable de produire un tel enseignement de type universitaire. Son chef la pousse et ne lui laisse pas le choix. Elle travaille fébrilement durant ses vacances et assure, tremblante, les premiers modules. Elle craque devant le dernier module et se fait porter malade (elle est enceinte de 7 mois).
De retour au travail, elle commence à entendre des bruits de couloir désobligeants à son adresse, concernant les « bêtises » professionnelles qu’elle aurait faites et son manque de compétence. Elle demande alors un rendez-vous avec le directeur général de l’établissement, dans le but de clarifier les choses. Ce dernier tarde à le lui accorder (un mois et demi). Le jour de l’entrevue, elle trouve dans le bureau, son chef de service et la responsable des études. Le directeur, avant qu’elle ait pu ouvrir la bouche, lui dit : « vous savez que je vous ai convoquée pour vous dire que votre contrat ne serait pas renouvelé ! »
Elle est pétrifiée. Le caractère pervers du retournement d’initiative (c’est elle qui avait demandé audience, et non pas lui qui l’avait convoquée) la met en état de choc. Incapable de se défendre, elle fuit et se fait mettre en congés de grossesse pathologique.
Chez elle, elle se laisse aller avec beaucoup de plaisir à la fin de sa grossesse, fait un très bon accouchement et passe huit mois délicieux à élever son bébé avec son conjoint. Tout va bien.
Elle a même trouvé par avance un travail dans un autre centre, dans un domaine professionnel qu’elle connaît bien, avec une équipe très sympathique et une directrice qui se montre contente de la voir arriver.
Huit jours après la reprise, elle se retrouve exactement dans le même état d’angoisse, de sidération, de souffrance mentale et d’incapacité que lorsqu’elle a quitté l’établissement précédent.
C’est dans cet état qu’elle arrive à mon cabinet.
Gérard N :
M. et Mme N., 45 et 38 ans, mariés depuis 18 ans, deux enfants, m’arrivent avec une demande de thérapie de couple. M. est militaire, Mme est à la maison.
Le motif avancé par M. : « On ne se reconnaît plus ! »
Mme précise rapidement que, cinq ans plus tôt, son mari a fait une chute de 9 mètres, depuis le toit de leur maison, qu’il était en train de réparer : fractures multiples à la face et au rachis, coma.
C’est depuis cet accident, dit-elle, qu’il a changé.
Je demande à Mme de venir, à la séance suivante, avec la liste qu’elle aura faite des changements opérés par son mari après l’accident. La voici :
Avant :
- mari adorable dans tous les domaines. Un seul défaut : coléreux.
Après :
- vie complètement bouleversée. Se donne à fond dans son travail, mais ses efforts ne sont pas reconnus par ses supérieurs. Pourtant, il passe plus d’heures sur son lieu de travail qu’à la maison. A la maison, il ne donne plus aucune aide. Il est absent et s’isole moralement avec les jeux vidéos de son ordinateur. Il n’a plus de conversation et fuit tout contact avec moi. Il n’a plus de projets. Depuis son accident, il a toujours cette sensation de froid qui l’envahit et a souvent envie de s’allonger pour dormir.
Contact non changé avec ses fils. Il recherche la compagnie de son copain Jean, contact justifié car c’est une personne douce et discrète.
Depuis de nombreux mois, indifférence totale au lit.
Après ces deux entretiens, Mr. me téléphone pour annuler le RV suivant: sa femme a fait une grave tentative de suicide.
Léon B. :
Il est infirmier, 54 ans. Je le connais professionnellement, ainsi que sa femme pour avoir dispensé deux formations à leur équipe. Couple uni, complice dans la réflexion professionnelle autant qu’en famille.
Sa femme me téléphone, inquiète: il y a 6 mois, il a été renversé par une voiture alors qu’il s’adonnait à son sport favori, le vélo. La voiture, qu’il n’a pas vu venir car elle l’a attrapé par derrière, l’a violemment projeté dans un fossé. Il n’a été que contusionné, mais très choqué. Il a cru sa dernière heure arrivée. Après quinze jours d’arrêt maladie, il a repris son travail.
Sa femme le décrit comme s’enfermant dans un mutisme de plus en plus complet; il a perdu le sourire et son humour. Il est facilement agressif, absent, ne s’intéresse plus à la vie de famille. Dans son travail, les collègues viennent se plaindre auprès d’elle qu’il devient de compagnie difficile. Elle a insisté pour qu’il vienne me voir, lui disant qu’il a besoin d’aide: il a refusé. Elle lui met le téléphone dans les mains, il échange quelques mots polis avec moi et décline mon offre de rendez-vous. Huit jours plus tard, je le rencontre fortuitement dans la rue; il adopte une attitude de retrait poli, me disant que tout va bien qu’il va pouvoir s’en sortir tout seul.
Famille F. :
La famille F. m’est adressée pour une anorexie mentale déclarée chez la jeune fille de la maison, 17 ans. Il se révèle rapidement que Mr. F. A subi un grave accident de vélo cinq ans plus tôt: trois mois de coma, séquelles hémiplégiques importantes (une main ne répond plus), difficultés à organiser sa pensée (il est contraint de la poser sur un rail et de la développer jusqu’au bout, sans digression, ce qui nuit considérablement aux interrelations avec les membres de sa famille). La famille n’a reçu aucun soutien psychologique.
Après une thérapie de famille qui régulera bien l’anorexie mentale, suivra, un an plus tard, une thérapie de couple très douloureuse et moyennement régulatrice, puis, trois ans plus tard, une thérapie individuelle pour le garçon de la famille, de trois ans le cadet de la jeune fille. Le garçon souffrait des mêmes symptômes que son père, c'est-à-dire les symptômes classiques du SSPT, bien qu’il n’ait subi aucun accident: renfermement sur soi, pauvreté du lien social, refus des échanges verbaux « pour ne rien dire » (qui sont en fait, l’essentiel du tissu social), absence de perspective d’avenir, absence d’investissement si ce n’est un instrument de musique dont on ne peut jouer que seul, dans lequel il excelle.
Céline A. :
La famille A. m’est adressée pour une thérapie familiale. La fille de la maison, Céline, est anorexique mentale. j’ai une très grande habitude des familles anorexigènes et, d’emblée, celle-ci ne me semble pas réunir les caractéristiques suffisantes pour l’être.
Au cours du premier entretien, j’apprends que, deux ans plus tôt, Céline, en compagnie d’une camarade, a été fauchée par une voiture sur un trottoir: traumat crânien, perte de connaissance, fractures multiples. Céline n’a pas vu arriver cette voiture, qui est arrivée par derrière; elle a eu très peur. Elle est restée un temps très court à l’hôpital, où, dit sa mère, elle a été soignée au minimum et pas du tout soutenue.
Céline a maigri de 20 kg en deux ans, a perdu toute confiance en elle-même, n’ose plus sortir, cauchemarde, n’a plus d’amis.
Raymonde G. :
Son troisième accouchement lui avait réservé une surprise: des jumeaux ! Gémellité que son gynécologue n’avait pas décelée. Durant cet accouchement, elle a souffert le martyr. Elle a cru mourir, d’une douleur intolérable contre laquelle elle s’est sentie totalement incapable de lutter. Trente ans plus tard, lorsqu’elle en parle, elle ressent encore la douleur. Elle a développé une haine farouche et tenace contre celui qui est sorti en dernier de son ventre: il a été un enfant durement maltraité et, trente ans après, elle le poursuit toujours de sa haine... à un point tel que, lorsqu’il s’est lancé dans sa première affaire, elle est allée allumer un cierge à l’église pour qu’il échoue ! Quant à lui, il est en thérapie analytique depuis une quinzaine d’années et souffre de tous les symptômes habituel des enfants martyrs..
Anaïs B. :
A l’âge de 7 ans, elle a été victime d’un viol par son beau-père, avec la complicité active de sa mère. A 18 ans, elle dépose une plainte devant le procureur de la République. Elle a eu son premier enfant à 14 ans, puis un second, à 17 ans, avec un gentil garçon qui est devenu son mari. Outre les classiques récurrences: violente culpabilité, difficultés amoureuses, mésestime de soi, elle a développé une défense problématique par laquelle elle empêche sa fille et son mari de tisser le moindre lien positif (de s’approcher l’un de l’autre).
Gérard R.
Il est policier. Lors d’un contrôle de routine, il a été blessé par balle et a blessé son agresseur. Aucun soutien psychologique ne lui a été apporté. Je le reçois deux ans plus tard, dans un état de SSPT très prononcé; à vrai dire, il se présente comme un véritable musée pathologique, car il montre absolument tous les symptômes du tableau classique de L. Crocq (1992). Il vit un enfer, partagé par son épouse et ses enfants et envisage de quitter la police. Une thérapie adaptée de 40 séances lui apportera la guérison : il trouve un travail valorisant qui lui convient pafaitement, ainsi que’à sa famille, et quitte la police.
Victimes de cambriolage :
La plupart d’entre nous ont pu observer, sur des proches, les effets d’un cambriolage. Un nombre important de victimes de cambriolage connaissent une période de paranoïa intense : ils se méfient de tout, s’arment, se barricadent, soupçonnent à l’envi et montrent une souffrance morale importante. Zauberman et Robert (1995) les appellent les terrifiés.
Il apparaît ainsi qu’un cambriolage, agression n’atteignant pas le corps anatomique de la victime et opérée en son absence, est parfaitement susceptible de produire un SSA. Ce constat met en évidence ceci, que le corps anatomique d’un humain se voit combiner un corps domestique, un corps social, etc., tous aussi susceptibles de lésion que le corps anatomique (Il est de même aisément démontrable que s’y adjoignent un nombre variable d’autres corps: un corps automobile, un corps communautaire, un corps social, un corps laborieux, etc. Ce phénomène n’est pas théorisé en termes de « corps », mais en termes d’identité, et d’appartenances).
Victimes d’une annonce intempestive de diagnostic grave :
L’annonce d’un diagnostic grave, par un médecin ou tout autre personnel médical, est un acte technique complexe. Faute d’être saisi dans le registre de la complexité, il produit très systématiquement des SSA passant parfaitement inaperçus. Les médecins interrogés après une telle annonce, disent que tout s’est parfaitement passé car, assurent-ils, le patient les a écouté avec calme et les a remercié poliment avant de quitter leur cabinet. Les patients concernés, interrogés après une telle annonce, disent qu’ils ont soudain reçu une enclume sur la tête, que tout s’est soudain obscurci dans leur esprit, qu’ils ont entendu un brouillard de mots incompréhensibles et qu’ils ont quitté la pièce sans savoir où ils allaient, qu’ils ont erré dans la ville un temps indéterminé sans pouvoir retrouver leur voiture… Plus tard, victimes des effets de la réalisation automatique de prédiction , ces patients verront leurs capacités de guérison sévèrement grévées.
Ces vignettes mettent clairement en évidence la diversité des situations susceptibles d’engendrer un syndrome de stress aigu, suivi d’un syndrome de stress post-traumatique ; elles soulignent de même assez crûment les effets contextuels de ce grave trouble : couples et familles y sont très durement mis à l’épreuve, ce qui laisse entendre qu’une approche systémique pourrait s’y montrer efficace.
Caractéristiques générales
des événements susceptibles d’engendrer un SSA et un SSPT
Le DSM IV propose, au sein du chapitre Troubles anxieux, une description de deux troubles distincts bien qu’apparentés : l’état de stress aigu (SSA) et l’état de stress post traumatique (SSPT) .
Dans la mesure où ces descriptions nosographiques sont rigoureuses et dépouillées, il est impossible d’en produire un résumé. Nous convions donc nos lecteurs à les consulter préalablement à la lecture du présent travail : elle en sera grandement facilitée.
Bien que nous pensions avoir de sérieuses raisons théoriques et cliniques de nous défier de l’idéologie sous-jacente au contenu du DSM , nous devons admettre que la description des deux troubles qui nous occupent ici nous semble efficace. Il est vrai que, s’agissant de troubles de type « actuel », la question de l’étiologie pose beaucoup moins de problème.
Au-delà de la description produite par le DSM, qui ne serait qu’une suite anecdotique si elle n’était exhaustive, nous proposerons un meta-regard en quatre points, dont nous pensons qu’il ouvre à une approche psychologique et contextuelle de ces troubles.
Il semble qu’une variété infinie d’événement puisse les produire. Tous, cependant, revêtent les mêmes caractéristiques, du point de vue de la victime.
Du point de vue de la victime.
La précision « du point de vue de la victime » n’est pas inutile ; elle nous inscrit d’emblée en contradiction avec un certain nombre d’auteurs actuels qui postulent qu’un SSA et un SSPT ne sont admissibles en tant que tels que s’ils ont été provoqués par un événement hors du commun, susceptible d’affecter tout humain : en effet, les événements fauteurs de SSA et de SSPT peuvent être, du point de vue de l’observateur, parfaitement anodins. (Je propose une discussion de ce point un peu plus loin). Ces caractéristiques sont les suivantes :
- ils sont imprévus au sens plein du terme : de fait, la victime n’en a pas de représentation auto-impliquante préalable,
- ils sont subis : durant leur déroulement, la victime ne peut les vivre que passivement, impuissante à y reprendre l’initiative,
- ils sont reçus comme violents à l’extrême,
- ils sont vécus avec une intensité émotionnelle très élevée.
Ils sont imprévus au sens plein du terme
Ainsi, Robert P., qui nous a fourni notre première vignette, ne disposait d’aucune représentation auto-impliquante préalable du type « moi-même ayant un accident de voiture ». De ce fait, l’accident, lorsqu’il se produisit, fut, du point de vue de Robert P., imprévu au plein sens du terme.
Cette proposition implique qu’il existe des sujets pour lesquels eux-mêmes ayant un accident de voiture constitue une réalité bien que non vécue dans les faits. Lorsque ces sujets font l’expérience effective d’un accident de voiture, cet événement revêt donc une forme différente de celle éprouvée par Robert P. Un grand nombre de pilotes de rallye sont dans ce cas et peuvent connaître des accidents spectaculaires sans jamais développer un SSA ni un SSPT.
Ils sont subis
Parce que nous créons, entretenons et enrichissons nos mondes à travers nos expériences vécues, mais aussi à travers nos expériences anticipées (c'est à dire imaginées et représentées), deux sujets différents peuvent, à partir de la même expérience vécue, construire : l’un, un insoutenable sentiment d’impuissance et de passivité contrainte, l’autre un sentiment d’accomplissement d’initiatives pertinentes et utiles.
Ainsi, deux obstétriciens placés devant un accouchement fatal au nouveau né et s’étant l’un et l’autre battu jusqu’au bout des possibles, développeront, l’un, un insoutenable sentiment d’impuissance, fait d’abattement ou de rage, l’autre un sentiment de devoir accompli.
Il peut arriver aussi, qu’un événement implique une telle passivité forcée, une telle soumission de fait, que quiconque ne puisse le vivre que comme subi (tortures par exemple).
Ils sont reçus comme violents à l’extrême
Là encore, il me semble important de privilégier le point de vue du sujet, face au point de vue de l’observateur et d’admettre que ce qui définit le mieux la réalité d’un choc traumatique est l’observation de son destin post-traumatique ; en d’autres termes, un choc qui ne produit sur un sujet aucun des symptômes actuellement bien répertoriés comme relevant d’un SSA et d’un SSPT (accident de train, avalanche, etc.), n’est pas pour lui un choc traumatique, même s’il en a toutes les apparences du point de vue de l’observateur.
Réciproquement, il est extrêmement important d’admettre qu’un événement qui déclencherait chez un sujet les symptômes actuellement bien répertoriés comme relevant d’un SSA ou d’un SSPT est un événement traumatique, même s’il n’en a pas les apparences du point de vue de l’observateur.
Il est d’observation triviale que, dans un groupe d’humains ayant subi ensemble le même choc (inondation, attentat, accident d’autobus ou de train, prise d’otages, équipe de secouristes, etc.), les observateurs trouveront, parmi les victimes, un éventail très large de modes réactifs et intégratifs de ce choc. Certains développeront un SSA suivi d’un SSPT plus ou moins invalidant, alors que d’autres sortiront indemnes de l’événement. La remarque qu’en fit Freud en 1920 garde toute sa fraîcheur :
« Dans un grand nombre de traumatismes l’issue de la situation dépend, en dernière analyse, de la différence qui existe entre les systèmes non préparés et les systèmes préparés à parer au danger (…) » (S. Freud, 1920),
ils sont vécus avec une intensité émotionnelle très élevée.
Cette remarque est corollaire des précédentes : de quelque nature qu’il soit, un événement traumatique est, par définition, un événement vécu par le sujet concerné avec une violente émotion. Il est d’observation courante, pour un thérapeute, qu’un événement d’apparence anodine, comme une agression verbale, peut produire chez un sujet une émotion extrêmement vive, voire un écroulement psychologique très durable .
Subir ou combattre: la passivité et l’initiative.
Ainsi, le même événement peut avoir des destins notablement différents, selon les individus. Il est possible, me semble-t-il, d’approcher ce phénomène à l’aide des couples activité-passivité et combat-soumission. De très nombreux travaux illustrent cette question du combat et de la soumission, dont les promoteurs, pour ce qui concerne leur relation au choc, sont H. Selye (1954) et H. Laborit (1955). Mentionnons aussi les travaux sur les processus de stress positif / négatif, en particulier J-D Vincent (1990), les travaux sur les processus de deuil, en particulier le processus de « désappartenance » avec R. Neuburger (1995), ceux, enfin, de W. Cannon (1942) et de C. Lévi-Straus (1958) sur l’efficacité symbolique; ils nous permettent de saisir efficacement quelques uns des éléments en cause.
Les travaux de J-D Vincent nous rappellent que, lorsque des humains interagissent dans la violence, leur système sympathique libère des catécholamines (adrénaline par la médullo-surrénale et noradrénaline par les terminaisons des nerfs orthosympathiques). Il semble bien que la distribution, entre ces deux hormones, soit fonction de l’attitude effective des protagonistes : ainsi la plupart des joueurs de basket sécrètent de la noradrénaline lorsqu’ils sont engagés dans une phase active du jeu, et de l’adrénaline lorsqu’ils sont immobilisés sur le bord du terrain.
Lorsque la perte du contrôle de la relation (sécrétion d’adrénaline), se double d’un sentiment de défaite ou d’une d’incapacité de réagir, les cortico-surrénales sécrètent du cortisol en excès, lequel freine la réponse immunitaire en inhibant la production en interleukines et, si la situation perdure, favorise une dépression immunitaire pouvant se traduire par une ulcération gastrique, des troubles intestinaux récurrents ou des infections.
R. Neuburger met en évidence ceci, qu’un conjoint abandonné, par mort ou défection de sa « moitié », développe un syndrome de désappartenance, dont l’élément majeur semble être une dissolution identitaire. Les symptômes les plus couramment décrits, dans ce cas, sont : repli sur soi, difficultés relationnelles et professionnelles, anxiété, dépression, symptomatologies psychosomatiques et fonctionnelles, parfois-même des délires. Il s’agit, nous semble-t-il, d’un mode pertinent de lecture d’un syndrome traumatique.
W. Cannon (1942) et C. Lévi-Straus (1958) avaient magistralement montré que la structure physiologique d’un humain ne résiste pas à la destruction de sa structure sociale. En d’autres termes, un sujet, s’il est exclu de son unique groupe d’appartenance, meurt. Cette observation, ainsi que les précédentes, mettent très clairement en évidence que nous sommes avant tout des corps vivants et qu’il existe un lien puissant, plus précisément un continuum, entre les sphères psychologiques, sociologiques et physiologiques chez l’homme (Gaillard 1998).
Les basketteurs de J-D Vincent montrent que lorsqu’un humain pris dans un événement potentiellement traumatique préserve son initiative, son système neuro-endocrinologique ne « déprime » pas. Cette remarque est confirmée par de nombreuses observations de terrain : dans les catastrophes, les sujets qui prennent l’initiative de re-contrôler la situation, qui organisent les premier secours, ne développent pas, ou dans un degré moindre, de syndrome post-traumatique.
A cet égard, nous pensons que le syndrome de Stockholm ne relève en rien du paradoxe : il est une stratégie consistant à reprendre le contrôle de la relation, à travers une alliance avec l’agresseur. Il en est de même avec le paradoxe maint fois observé de ces enfants victimes de parents bourreaux-punisseurs (Perrone 1995) qui, pour éviter la folie et reprendre le contrôle de la relation, accumulent les bêtises pour se faire frapper: Leurs comportements mettent en évidence qu’il est beaucoup plus supportable et beaucoup moins déstructurant d’organiser les coups qu’on reçoit, d’y être actif, que de les subir sans pouvoir les prévoir ni leur trouver une signification.
Choc traumatique, perception et mémoire
Nous associons ces trois concepts, dans la mesure où nous considérons comme triviale l’hypothèse selon laquelle un choc traumatique, ainsi que le syndrome qui s’en suit, relève d‘un destin de perception, suivi d’un destin de mémoire.
C’est pourquoi nous estimons qu’il est nécessaire, au préalable, de définir aussi rigoureusement que possible les processus en jeu dans la perception (Gaillard 1994) et donc aussi dans la sensation.
syndrome de stress post-traumatique et mémoire
Si les pathologies de stress aigu n’ont guère attiré l’attention des auteurs depuis un siècle, il n’en est pas de même pour les pathologies post-traumatiques qui sont répertoriées de longue date, en médecine et en psychologie clinique, sous des vocables différents :
- névrose traumatique (Oppenheim. 1889)
- névrose de guerre (S. Freud. K. Abraham. S. Ferenczi. E. Jones. 1918-20. S. Ferenczi 1932)
- névrose de comportement ou à mentalisation incertaine, dépression essentielle (Marty, Kreisler, 1966)
- état de stress post-traumatique (Crocq, A.L.F.E.S.T.)
- Posttraumatic stress disorder (DSM III. 1980)
- syndrome de stress post-traumatique (M. de Klercq)
L’ensemble gagnerait, selon nous, en clarté, à ce qu’il soit incessamment recadré dans son contexte le plus évident : le phénomène de mémoire.
Nous proposerons donc une suite d’hypothèses, parfois originales, parfois ne s’appuyant pas sur les connaissances neurophysiologiques et neurocognitives actuelles mais n’en contredisant aucune.
Nous entendons appuyer notre hypothèse sur trois niveaux de remarques :
1. La neurologie contemporaine a clairement mis en évidence que le système limbique (archéocortex) est un régulateur neural principal dans la mémoire et dans l’émotion. Par ailleurs, l’observation psychopédagogique montre aisément que mémoire et émotion sont intimement liées: elles constituent même probablement un seul et même processus mental. Il existe en effet un seuil émotionnel, souvent nommé investissement ou motivation, au dessous duquel la mémorisation ne s’opère pas.
2. Il existe un niveau de traitement neural des perceptions qui court sur environ 24 heures et qui semble intégrer le matériel ainsi mémorisé dans les processus les plus habituels de la mémoire, à savoir : (a) l’oubli, associé à (b) un potentiel de remémoration.
Ce niveau de traitement des perceptions, courant sur environ 24 heures, bien qu’il soit d’observation triviale (Porot 1965), régulièrement attesté par l’observation systématique d’amnésies lacunaires, partielles ou totales après électrochoc et après intervention chirurgicale sur l’encéphale, n’est curieusement pas étudié sous l’angle « traitement mémoriel » : nous le baptiserons traitement mémoriel 24h. car les troubles amnésiques ainsi observés portent régulièrement sur un laps de temps de 12 à 24 heures.
3. La mémorisation des perceptions traumatiques semble bien ne pas obéir au même protocole; en effet, il est d’observation triviale que les perceptions traumatiques n’ont pas accès au phénomène d’oubli et que, le plus souvent, elles ne cessent d’occuper une place envahissante dans le registre habituel de l’attention consciente. Quand elle semblent ne pas occuper une telle place dans le registre de l’attention consciente, elles produisent systématiquement des rejetons sous la forme d’un changement considérable dans les modes de fonctionnement de l’appareil psycho-cognitif du sujet traumatisé, c’est-à-dire dans la manière qu’il a de produire ses univers perceptifs, relationnels, émotionnels, sociaux, professionnels, familiaux, etc.
De même, donc, qu’il existe un seuil émotionnel au dessous duquel la mémorisation ne s’opère pas, il existe un seuil émotionnel au dessus duquel la mémorisation s’opère « trop ».
Notre hypothèse centrale est celle-ci :
- le traitement mémoriel 24h. des perceptions relève de la structure langagière, soit la combinaison circulaire de la mémoire phonologique, la mémoire sémantique, la mémoire iconique et la mémoire sensori-motrice. Ces quatre niveaux logiques sont combinées les uns aux autres par le biais du discours intérieur et du théâtre intime . La faculté d’oubli serait fonction du succès de ce traitement mémoriel 24h.
- la perception traumatique n’est pas une perception à proprement parler. En effet, la perception est un processus actif, étroitement régulé par un puissant phénomène autoréférenciel, que nous appelons effet patte blanche (Gaillard 1994): aucun objet sensitif (c'est-à-dire un objet physiologiquement cadré par l’un ou l’autre de nos sens) ne pénètre durablement dans la structure 24 h., ou structure perceptive, s’il ne reçoit le label patte blanche, c'est à dire s’il n’est pas activement sélectionné.
Nous posons l’hypothèse selon laquelle l’objet d’une sensation traumatique, dont il faut souligner qu’il est systématiquement porté par une intensité émotionnelle très élevée, traverse, shunte ou contourne la structure mémorielle 24h. et actionne, sans traitement préalable, la structure « mémoire long terme » où elle ne bénéficie alors pas de la fonction d’oubli. De ce fait, elle se comporte comme une perception perpétuellement activée ou excessivement activable.
Il est probable que le traitement 24h. de mise en mémoire, c'est à dire essentiellement la fonction d’oubli relatif, soit largement fondé sur la régulation des structures sensori-motrices en cause par la structure langagière et que, donc, notre mémoire d’usage viable soit une mémoire narrative, une mémoire dans laquelle les choses sont traitées à travers les mots. La mémoire traumatique serait, elle, constituée de choses muettes, c'est-à-dire rien qui soit intégrable dans la structure narrative (das Ding de Freud, ou le Réel de Lacan). Un animal choqué revit émotionnellement le choc à chaque fois qu’il se retrouve dans le lieu du choc ou à proximité directe des objets liés au choc : ce simple couplage suffit à lui faire vivre un état de panique. Ce modèle animal est fort proche de ce que nous observons dans les SSPT humaines.
Un traitement spécifique : la prise en charge avant 24h.
Les hypothèses qui précèdent se combinent aisément avec celles, aujourd’hui courantes en cindynique et en victimologie, et qui incitent à une prise en charge précoce des victimes de choc traumatique, ainsi que de leurs proches (les diverses techniques de débriefing, par exemple).
Nous mettons simplement en évidence que, pour être couronnée d’un succès thérapeutique immédiatement consistant, cette prise en charge devra nécessairement avoir lieu dans les 24 heures qui suivent le choc et qu’elle devra consister en ce que nous nommons une « cure de construction enactive », de préférence collective (meilleure régulation de l’émotion).
Elle intégrera tous les niveaux logiques actuellement connus pour concourir à la construction normale des perceptions ou, plus précisément, de l’enaction (Varela 1989-1997) (Gaillard 1998):
- la parole combinée à l’acte
- le sens confronté aux autres niveaux de signification
- l’image décrite verbalement et gestuellement, puis dessinée
- l’activation sensori-motrice (les sens tels qu’ils ont été suscités et débordés)
- les émotions, telles qu’elles ont été ressenties, c'est-à-dire avec les contextes spatio-temporels durant lesquels elles sont apparues et telles qu’on peut alors les rejouer.
Ces niveaux logiques sont, en temps normal, étroitement combinés dans l’action perceptive: c’est de cette combinaison qu’émergent les perceptions-actions « narrativables », susceptibles d’une intégration en mémoire 24 heures. Les thérapeutes respecteront donc, et encourageront autant qu’il est possible, le caractère spontanément chaotique de ce processus enactif : succession de récits décrivant l’événement sous tous les angles possibles à l’aide de logiques verbales différentes (narration linéaire à l’endroit puis à l’envers, dérive associative verbales et gestuelles, jeux de résonnances, jeux de mots, jeux de rôles réparateurs théatralisés, rédaction de textes, réflexion éthique et logique, apprentissage par coeur des textes, dessins de grande dimension, comparaison fouillée avec d’autres événements passés, etc.).
La relaxations et les massages mutuels (trapèzes, dorsaux, mains, pieds), ainsi que des exercices sensoriels y seront systématiquement associés. Ils sont, à notre sens, très importants en ce qu’ils offrent la possibilité d’un recalibrage de l’intensité émotionnelle dans ses couplages sensori-moteurs: il ne faut, en effet, pas oublier que l’intensité émotionnelle est l’élément majeur dans la production traumatique et dans sa pérennisation. (Voir, dans la seconde partie, l’exposé détaille d’un protocole de recalibrage).
Un sujet en SSA n’est jamais en mesure de demander de l’aide : cette cure est donc nécessairement très incitative.
Il existe un puissant frein idéologique à effet iatrogène, très dominant dans les milieux psychologiques et psychiatriques, qui conduit presque systématiquement les psys à se mettre dans une position de déni de soin et de refus d’assistance à personne en danger. Nous rappelons à ceux-là que l’obligation de moyens les concerne tout autant que les médecins somaticiens. Les victimes de SSA ne sont, le plus souvent, pas en mesure de demander l’aide de première nécessité qui leur évitera un SSPT, pour la raison simple que le SSA inhibe les capacités interactionnelles nécessaires à l’opération d’une demande.
Sous le prétexte d’une attitude respectueuse de la liberté du sujet, de nombreux psys opposent aux demandes de proches et d’autres professionnels une clause de non intrusivité et prétendent qu’il doivent attendre que le sujet concerné opère lui-même une demande d’aide. C’est ainsi que les enfants et adolescents violés et maltraités et les victimes d’accidents graves peuvent se voir exclus des soins qui éviteraient que leur vie et celle de leurs proches soient détruites pour de longues années, voire définitivement.
Un sujet en SSA n’est jamais en mesure de demander de l’aide : dans un premier temps, il se montre même souvent hostile aux professionnels venus l’entourer. C’est pourquoi les entreprises de débriefing mises en œuvre doivent être très incitatives ; elles doivent se montrer capables de passer le mur érigé par le SSA entre les praticiens et les sujets victimes.
Le syndrome de stress chronique (SSC)
Il me paraît utile d’ajouter aux deux syndromes actuellement répertoriés, un troisième : le SSC. De fait, les praticiens rencontrent souvent des sujets manifestant les divers symptômes du SSPT, mais a minima. Ces sujets n’ont pas été victimes d’un événement violemment traumatisant, mais d’une accumulation de stress du type de ceux mis en évidence par Madeleine Estryn-Behar chez les soignants. Le traitement consistera essentiellement à les aider à modifier un certain nombre de contextes défavorables et accepter un certain nombre de deuils. Une analyse de la pratique de mode actif constitue une prévention efficace de ces troubles .
Freud et les névroses actuelles
En 1893, S. Freud publie ses Etudes sur l’hystérie. Dans les deux années suivantes, il entreprend de produire un cadre conceptuel pour un univers clinique encore chaotique, celui de ce qu’il nommera « psychonévroses de défense ». Hystérie, obsession et phobie se laissent peu à peu ordonner autour d’un axe étiologique psychogénétique.
En 1895, il publie « Du bien-fondé à séparer de la neurasthénie un complexe de symptômes déterminés, en tant que névrose d’angoisse ». En effet, la névrose d’angoisse (Angstneurose) se refuse à entrer dans le cadre qu’il conçoit pour les psychonévroses de défense. Freud lui assigne donc une place particulière, plus proche de l’univers somatique:
« Ce qui mène à la névrose d’angoisse, ce sont tous les facteurs qui empêchent l’élaboration psychique de l’excitation sexuelle somatique »
Les facteurs alors cités par Freud sont le coït interrompu, l’éjaculation précoce, l’abstinence, etc. On pourrait en trouver d’autres, moins connotés « sexe » !
« (la psyché) tombe dans la névrose d’angoisse lorsqu’elle se voit incapable de régler l’excitation d’origine endogène (sexuelle). Elle se comporte donc comme si elle projetait cette excitation vers l’extérieur.»
Pour ces troubles dont l’étiologie n’entre pas dans le registre psychogénétique, Freud, en 1898, proposera le cadre des « névroses actuelles ». La névrose traumatique, que nous serions évidemment enclin à inclure dans cette rubrique, sera conçue par Freud et ses disciples, comme un problème perpétuellement épineux (Thomas Kuhn dirait : une anomalie).
Après les tentatives infructueuses de Ferenczi et de Abraham, pour intégrer les névroses traumatiques (névrose de guerre) dans le cadre psychogénétique, Freud gardera une position réservée, quoique manifestement agacée. Dans son Abrégé de psychanalyse (1938/40), il indique, entre parenthèses, ceci :
« (il est possible que ce qu’on appelle névroses traumatiques, déclenchées par une frayeur trop intense ou des chocs somatiques graves tels que collisions de trains, avalanches, etc., constituent une exception, de fait leurs relations avec le facteur infantile ont jusqu’ici échappé à nos investigations.) »
Mais Freud, décidément honnête chercheur, offre, quelques lignes plus loin, à la sagacité de ses lecteurs, une piste concernant le caractère psychanalytiquement épineux de la névrose traumatique :
« (dans les névroses) les exigences pulsionnelles du dedans comme les excitations du dehors agissent alors à la façon de traumatismes, (...) » (in Abrégé de psychanalyse. 1967. PUF. Paris. Souligné par nous, page 55).
En 1919, dans son « Introduction à la psychanalyse des névroses de guerre », Freud énonçait ceci :
« L’autre constituant des névroses de guerre est la névrose traumatique, qui, comme on sait, survient également en temps de paix après un effroi ou des accidents graves, sans le moindre rapport avec un conflit dans le moi. »
et, plus loin dans le même texte :
« Dans les névroses traumatiques et les névroses de guerre, le moi de l’homme se défend contre un danger, qui le menace de l’extérieur ou qui, par une modification du moi, va jusqu’à prendre corps pour lui; dans les névroses de transfert du temps de paix, le moi voit dans sa libido elle-même l’ennemi, dont les revendications lui paraissent menaçantes. Dans les deux cas le moi a peur d’être endommagé : ici par la libido, là par les violences extérieures. Bien plus, on pourrait dire que dans les névroses de guerre, à la différence des névroses traumatiques pures et par rapprochement avec les névroses de transfert, ce qui fait peur, c’est bel et bien un ennemi intérieur. Les difficultés théoriques qui font obstacle à une telle conception unifiante ne semblent pas insurmontables; on peut tout de même à juste titre caractériser le refoulement, qui est à la base de toute névrose, comme une réaction à un traumatisme, comme une névrose traumatique élémentaire. » (in Résultats, idées, problèmes. 1984. PUF. Paris. Page 246).
Le problème, pour Freud, est bien que toute névrose possède une origine traumatique ; il semble craindre qu’une telle prise en compte ne vienne à ruiner tout l’édifice psychanalytique produit autour de la sexualité, de la psychogenèse et du refoulement.
Psychanalyse et névrose post-traumatique
Précisément, la question se pose, du degré de pertinence de l’acte psychanalytique face à la névrose traumatique.
Freud disait clairement des névroses actuelles qu’elles ne pouvaient pas se muer en névrose de transfert : ipso facto elles ne relèvent donc pas de la cure psychanalytique. Beaucoup de ses héritiers semblent avoir oublié cette mise en garde, pourtant clairement énoncée. Un problème grave est, me semble-t-il, qu’en imposant à leurs patients SSPT le cadre logico-théorique et la règle de la cure psychanalytique, ils tendent à produire en force une mutation de la névrose post-traumatique en névrose de transfert. J’ai cru parfois observer que, forçant ainsi le sens, ils produisent une intériorisation du traumatisme en renvoyant incessamment ses effets sur le sujet, à travers des « causes » intrapsychiques par définition anciennes. Nous croyons avoir constaté que cette intériorisation du traumatisme contribue à développer des sentiments de honte et de culpabilité et, ainsi, à renforcer la chronicisation la SSPT.
Nous incitons ces collègues prosélytes à réfléchir à ceci que, en 1919, Freud écrivait :
« il est possible que ce qu’on appelle névroses traumatiques, déclenchées par une frayeur trop intense ou des chocs somatiques graves tels que collisions de trains, avalanches, etc., constituent une exception (au registre des psychonévroses de défense) »
Nous avons vu qu’en 1938, soit près de vingt années d’investigations plus tard, Freud avait manifestement abandonné la prétention d’intégrer les névroses post traumatiques au cadre des psychonévroses de défense et s’offrait une aimable pirouette : puisque je ne puis intégrer les névroses post-traumatiques au cadre des psychonévroses de défense, alors je vais intégrer les psychonévroses de défense au cadre des névroses post-traumatiques...
« (...) on peut tout de même à juste titre caractériser le refoulement, qui est à la base de toute névrose, comme une réaction à un traumatisme, comme une névrose traumatique élémentaire. »
Une thérapie spécifique, pour un trouble spécifique
Nous insisterons donc à affirmer qu’il semble prudent de traiter dans l’actuel, et seulement dans l’actuel, les SSA, les SSC et les SSPT. Nous pensons même que le forçage idéologique qui consiste à produire à tout prix des liens entre les symptômes actuels et des situations anciennes est un acte techniquement non fondé et humainement dangereux: le psychanalyste devient alors iatrogène en construisant une chronicisation (Gaillard 1994) de troubles qui, par la vertu de sa conviction, du pouvoir que lui confère le rituel analytique et son autorité de thérapeute, auront, de faux souvenirs en fausses impressions construits dans la cure, toujours existé en germe.
Il est assez facile, croyons-nous, de mettre en évidence ceci que, lorsqu’une cure psychanalytique offre un mieux-être à un patient souffrant de syndrome de stress post-traumatique, c’est que le psychanalyste a eu assez de prudence et d’empathie pour:
- se borner à accepter de reconnaître le caractère actuel de la souffrance du patient,
- l’encourager à parler de son traumatisme,
- largement renoncer à la règle d’association libre,
- accepter de produire avec lui des liens actuels entre traumatisme et souffrance,
- produire avec lui des connexions minimales et aussi peu totalitaires que possible entre le type particulier de réaction qu’il a eu et les particularités de son histoire,
- l’inciter à des aménagements heureux dans sa vie quotidienne.
névrose post-traumatique et syndrome de stress post-traumatique
Louis Crocq (1992), qui est l’un des promoteurs les plus conséquents de la recherche européenne sur les chocs traumatiques, a tenté de mettre en évidence une différence suffisamment consistante entre névrose traumatique (NT) et état de stress post-traumatique (ESPT). Il me semble cependant que cette distinction nosographique opère un recul par rapport à une préoccupation pourtant clairement affichée par louis Crocq concernant la reconnaissance du fait post-traumatique par la médecine sociale et la CRAM ; à mon sens, cette distinction pose plus de problèmes qu’elle n’en résout : en effet, elle pourrait nuire considérablement aux victimes d’événement traumatique préalablement détenteurs de troubles psychologiques, dans la mesure où, pour ces personnes, le diagnostic impliquerait leur personnalité comme étant fautive dans la tonalité alors jugée excessive du syndrome. A la suite de Crocq, des auteurs de formation psychanalytique désignent la personnalité narcissique comme étant celle qui produit de l’ESPT.
Il est important de ne pas céder sur ceci que, quel que soit l’état psychologique préalable de la personne et quelle que soit sa structure, c’est bien la situation traumatique, et rien d’autre, qui l’a conduite à décompenser.
Ainsi, proposer une distinction entre NT et ESPT à partir d’items comme :
Etat de stress post-traumatique Névrose traumatique
A- l’événement traumatique
- hors du commun
- cause de détresse pour quiconque A- l’événement traumatique
- soudaineté, violence
- relatif à la personnalité
me semble relever d’un glissement logique et éthique qui ne peut conduire qu’à des débats d’experts sans fin dont les victimes feront immanquablement les frais . En effet, qu’un policier puisse être blessé par balle dans l’exercice de ses fonctions ne constitue pas un événement hors du commun, car ce ne sont, somme toute, que les risques inhérents à sa profession. De même, une blessure par balle n’est évidemment pas une « cause de détresse pour quiconque »: certaines personnes en sortent psychologiquement indemnes. Il devient donc tentant de ranger les désordres psychiques et cognitifs manifestés par un policier blessé par balle, dans le registre « névrose traumatique » et de prétendre que les troubles qu’il présente sont « relatifs à sa personnalité ». Et que dire, alors, d’un accidenté de la route ou d’un couvreur tombé du toit ? Rien qui soit « hors du commun », rien qui soit « cause de détresse pour quiconque ».
Le dilemme est donc, à mon sens, le suivant:
Soit le SSPT est un objet purement politique, un objet médiatique et électoraliste, et il ne concerne évidemment que les victimes désignées par les médias et les politiques, c'est-à-dire des collectifs médiatisables, victimes d’attentats, d’accidents aéronautiques ou maritimes, de crimes médiatisés; dans ce cas, les victimes non médiatiques non politiques, individuelles, relèveraient de la NT: il serait en effet très facile (il est toujours très facile) de mettre en évidence une relation entre leurs troubles et leurs fragilités psychiques préalables, cela a été fait durant des décennies à l’encontre des femmes violées et des accidentés du travail.
Soit le SSPT est un objet médico-psychologique et il concerne l’ensemble des victimes d’accidents dont la valeur s’est révélée traumatique, quels que soient ces accidents : collectifs ou individuels, spectaculaires ou banaux et quel que soit leur état psychologique préalable.
En tout état de cause, la position qui consiste à renoncer au point de vue de l’observateur extérieur et à se fonder sur les effets de l’événement cliniquement observables sur le sujet à partir du principe « avant-après », me semble être la seule éthiquement correcte.
Le « normal » et le « hors norme »
Cette distinction entre ESPT et NT me semble procéder d’une épistémologie du « normal » en psychologie, qui implique qu’il existe des femmes et des hommes « normaux », que seul un événement classé « hors norme » du point de vue de l’expert puisse affecter durablement. De même, seule une épistémologie du « normal » peut définir, sans être atteinte par le doute, un « hors norme », qui impliquerait que seuls certains types d’événements bien particuliers puissent être retenus comme étant fauteurs d’ESPT. Tous les autres relèveraient de la NPT et donc d’un état de faiblesse névrotique préalable. Hans Selye avait, très tôt, attiré l’attention sur le fait qu’il n’y a pas de « en soi » de l’agent agresseur. Ce qui est pathogène, disait-il, c’est la réaction de l’organisme à l’agent agresseur. Les travaux de Maturana et Varela (1974-1997) sur le principe d’autoréférence du vivant, ceux de Watzlawick, von Forster et von Glasersfeld confirment puissamment cette assertion : ce n’est jamais à l’agent perturbant lui-même que nous avons affaire, mais à ce que notre organisme en construit. L’agent choqueur perd donc de son intérêt et en produire une liste est un acte vain. Quant à établir les critères d’un seuil « normal » de résistance au choc et, donc, d’un seuil « pathologique » de non-résistance au choc, il semble que la tâche soit tout aussi vaine et qu’elle procède plus de l’intérêt financier des assureurs institutionnels ou privés que de la clinique médico-psychologique.
De même, que l’événement traumatisant soit individuel (accident, agression isolée ou annonce intempestive d’un diagnostic grave) ou collectif (catastrophe ou attentat), le traitement proposé ne peut en aucune façon diverger quant aux contenus nécessaires : seule la forme pourra s’adapter à cette différence de contexte.
Seconde partie :
Eléments pour un protocole d’intervention
en recalibrage combinatoire
dans la fourchette 24h
En préambule:
Il doit être clair, dans cette seconde partie, que nous ne nous intéresserons pas directement au traitement du Syndrome de Stress post-Traumatique (bien que nous le croyons accessible à certaines formes de débriefing-retard) ; notre objet est l’intervention en amont, au moment du développement du SSA , avec pour but d’empêcher le développement du SSPT.
Ainsi donc, il est clair que les enfants, les femmes et les hommes que les équipes d’intervention rencontrent lors de leurs actions, ne souffrent pas de SSPT. Ils sont seulement des humains sous l’emprise d’une situation à très fort potentiel émotionnel et donc très fortement susceptible de déclencher chez eux des processus de rupture des auto-contrôles dans les trois grands sous-systèmes de l’organisme: neurologique, hormonal, immunitaire, c'est à dire un SSA. Les effets pathologiques de ces ruptures d’autorégulation, je l’ai souligné dans la première partie, ne deviennent souvent visibles qu’après une latence de 6 mois à un an. Qu’on ne s’attende donc pas à les trouver sur les lieux d’une catastrophe.
En revanche, nous devrons nous attendre à trouver un certain nombre de personnes en état de choc (état de stress aigu selon le DSM IV), que nous devrons, à proprement parler et au sens médical, déchoquer.
Devant un phénomène encore peu connu, réviser les limites de nos modèles et de nos pratiques:
L’épistémologie nous a contraint d’admettre que nos pratiques professionnelles les plus « spontanées » ne sont jamais autre chose que le fidèle reflet de nos théories (officielles et conscientes) et de nos modèles (souterrains et non conscients). L’édification d’un protocole d’intervention dépend donc étroitement, quant à ses formes et contenus, des éléments théoriques et cliniques pris en compte par celles et ceux qui l’édifient.
De ce fait, il est important que nous connaissions et cernions aussi rigoureusement que possible nos propres théories et modèles concernant les processus qui sont en jeu dans un choc traumatique; en effet, quelles que soient les propositions techniques qui nous seront faites, nous n’irons guère au delà des bornes de nos propres théories, sauf à procéder à une confrontation consciente entre nos théories et celles qui sous-tendent les propositions techniques qui nous sont faites.
Les victimes : profils:
Sur le champ du drame, les équipes rencontrent des femmes, des hommes et des enfants que l’on peut tenter de classer autour de quelques grands profils:
- celles et ceux qui se montrent très normaux, parfois même hyper normaux, car ces situations de choc génèrent très souvent un phénomène de surcompensation normalisante. Il est donc très important que les intervenants ne se laissent pas rassurer à bon compte par cette façade et qu’ils passent outre dans leur action.
- celles et ceux qui sont en état de sidération docilisante (stress aigu a minima). Il s’agit d’un phénomène très souvent observé au cours de l’annonce d’un diagnostic grave à un patient par son médecin: le patient montre un calme olympien, répond oui à tout, remercie poliment... et émerge d’un brouillard épais une demi-heure plus tard, en train de rouler dans sa voiture sans savoir ou il va ni qui il est. Là encore, il est très important que les intervenants ne se laissent pas abuser et rassurer à bon compte par cette façade.
- celles et ceux qui montrent un état d’obnubilation. Ils expriment des idées fixes agaçantes, sont totalement inaccessible aux raisonnements les plus simples, certains, même, montrent des amnésies lacunaires.
- celles et ceux qui montrent un état d’hébétude. Prostrés, silencieux ou monologuant seuls, proche d’un état autistique.
- celles et ceux qui montrent une crise d’agitation.
- celles et ceux qui montrent un état de choc au sens médical classique du terme.
- celles et ceux qui se montrent actifs, agissant ou tentant d’agir, prenant des initiatives pertinentes pour améliorer la situation de tous.
Opérer un premier tri, distribuer les premiers soins.
La trousse psychiatrique d’urgence se révélera le plus souvent indispensable, pour bon nombre d’entre eux.
Le premier piège, pour l’équipe, est constitué par les individus hypernormaux et les individus dociles. La façade qu’ils présentent a pour but de soigner les soignants, de façon que les soignants puissent les soigner en retour: elle a pour but d’apaiser les angoisses des professionnels et y répondre.
Le second piège est constitué par les individus actifs. En effet, il faut rapidement distinguer entre les actifs efficaces et les mouches du coche fuyant éperdument devant l’écroulement intérieur qu’ils pressentent. Ces derniers agissent à vide et peuvent orienter le groupe des victimes, voire celui des soignants, vers des options creuses ou dangereuses. Quant aux actifs efficaces, il est extrêmement important de préserver leur faculté d’initiative, car elle leur tient parfaitement lieu de thérapie et peut se montrer fort utile pour le collectif; il convient donc, avec ces derniers, de résister au réflexe identitaire classique (rituel de la petite claque sur la tête : Gaillard 1999), par lequel nous savons si bien « remettre à leur place » les soignés qui ne se prennent pas assez pour des soignés.
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Protocole général
Le protocole général est simple. Il est bien décrit dans la littérature spécialisée . Il se résume dans les points suivants:
1. Etre sur place le plus tôt possible: l’équipe d’intervention dispose de 24h pour être efficace.
2. Avec des possibilités matérielles suffisamment importantes: l’équipe doit être immédiatement en mesure de réchauffer, réconforter, voire animer, sur les lieux de la catastrophe (couvertures et boissons chaudes en quantité, matériel d’expression), sachant que les « éclopés » seront les derniers à être évacués (l’attente pourra durer 6 heures).
L’équipe devra en outre être dotée de matériel de communication perfectionné (type militaire ou protection civile), de façon à pouvoir maîtriser au plus tôt l’information, entre victimes et familles par exemple.
Enfin, l’équipe doit avoir la maîtrise du lieu dans lequel elle accompagnera les « éclopés », quand les services de convoyage (pompiers, gendarmerie, armée) décideront de les évacuer. la salle des fêtes glaciale et vide du village le plus proche est rarement la meilleure solution. L’idéal est un hôtel de luxe...
Le problème du lieu n’est pas du tout une question triviale: il est donc important d’y penser longtemps avant la première intervention.
Ces locaux doivent être réellement accueillants, car le decorum constitue le premier message analogique fort de reconnaissance sociale, qui restera gravé dans le souvenir des victimes et qui déterminera leur sentiment d’avoir été compris et soutenu dans leur épreuve. Ces locaux doivent donc répondre, au strict minimum, aux critères infirmiers de confort, de chaleur, de clarté, d’aération, de propreté, d’espace individuel, de protection de la pudeur, d’accès aux soins, aux boisson et à la nourriture. Ils doivent disposer de moyens de communications suffisants, être accessibles aux conjoints et familles arrivant aux nouvelles, mais pas aux journalistes et autres voyeurs. Ils doivent, enfin, permettre aux psys de commencer réellement leur travail de recalibrage: salles chaleureuses avec moquette ou tapis de sol pour la relaxation et les massages mutuels (ne pas oublier l’huile de massage), sièges et tables pour commencer les premiers exercices de mise en narration collective, grandes feuilles de papier (type paperboard), feutres de couleur ou peinture et pinceaux en quantité, blocs notes à distribuer à chacun pour écrire et dessiner.
3. Avec en poche une concertation préalable avec les autres services de secours: Il y aura les pompiers, la gendarmerie, le SAMU, l’armée, le préfet, etc.
Si tous ces gens ne connaissent pas assez bien l’équipe d’intervention psychiatrique d’urgence, si elle n’est pas clairement identifiable (badge officiel, brassard explicite), si elle n’a pas une place réellement préétablie dans leur organigramme, si elle ne dispose pas de moyens-propres (communication, couvertures, boissons chaudes, nourriture) et d’une autorité officielle suffisante, il est évident qu’elle sera immédiatement considérée comme quantité négligeable, voire comme poids mort encombrant. On dira: « poussez-vous ! Vous ne voyez pas que je travaille ? » et les psys, après avoir fait le pied de grue, se retrouveront à courir derrière les ambulances et autres véhicules de gendarmerie qui disperseront tout le monde à leur convenance.
Ces trois points constituent les pré-requis nécessaires à toute mise en place du protocole: sans eux, il tout simplement impossible de le mettre en action dans les temps requis.
La prise en charge psychologique de victimes de catastrophes ou d’attentats:
Il arrive que le seul pouvoir dont dispose l’équipe d’intervention psychiatrique d’urgence consiste à envoyer un courrier aux victimes, trois jours après les faits pour les convoquer à une séance de debriefing dans les quinze jours suivants (véridique !)... Les connaissances les plus actuelles concernant les processus en jeu tendent à montrer que ce pouvoir est insuffisant.
Les thérapeutes savent par expérience qu’une prise en charge n’a de valeur thérapeutique que si le praticien est (et se montre) suffisamment libre de ses actions et de ses choix thérapeutiques. Il est donc important, pour que la prise en charge des victimes ait une valeur psychothérapeutique, qu’elle soit le fait de praticiens en mesure d’y présider en fin de compte.
Cela passe par le choix du lieu de rassemblement des victimes, en fonction de son adéquation au protocole, et non en fonction de sa seule proximité des lieux du drame: un voyage d’une heure ou deux dans un autobus confortable, avec des psys (psychiatres, psychologues, infirmiers) attentifs, est sans aucun doute préférable à un accueil de type salle des fêtes, école primaire ou chapelle dans le village le plus proche.
Quand toutes ces conditions contextuelles sont assurées, la partie plus spécifiquement psy du protocole peut s’engager.
La communication efficace:
J’ai souligné, plus haut, l’importance qu’il convient de donner au decorum, dans de telles situations. Le decorum est en effet le premier message effectif, perçu par les victimes et ce message est un message analogique . Dans cette situation particulière de choc émotionnel, il semble que le registre analogique soit très puissant, plus puissant que la parole: les individus en situation de choc émotionnel manifestent des troubles cognitifs, plus ou moins importants selon les sujets, sur le mode confusionnel. Cela se traduit par :
- une désagrégation du périmètre de sécurité,
- un vacillement des représentations inconscientes du corps,
- et une large déconnexion du cerveau gauche.
De ce fait, les individus concernés sont rendus sourds aux discours rationalisants, dans le même temps qu’ils sont rendus extrêmement sensibles à la communication analogique. La bonne mise en place du protocole va donc dépendre de la qualité des coordinations d’actions que les soignants proposeront, c'est-à-dire de la qualité des enchaînements d’actes qu’ils opéreront avec leurs clients.
Les coordinations d’actions proposées par les praticiens doivent donc tout simplement apporter rapidement et sans cafouillage un apaisement concret aux trois items confusionnels:
- désagrégation de leur périmètre de sécurité: il s’agit de produire un espace effectivement sécurisant, tel que décrit plus haut;
- vacillement de leur représentation inconsciente du corps: il s’agit de produire de l’enveloppe corporelle, comme on peut le faire avec un enfant psychotique (une bonne couverture douce et propre autour des épaules, un verre d’un bon liquide chaud dans la main, un refuge qui ne soit pas un hall de gare ni un couloir d’hôpital, des gestes enveloppants, un contact haptonomique);
- large déconnexion de leur cerveau gauche: dans cette phase, les messages analogiques doivent être non-ambigus, positifs et assurés; les messages verbaux doivent être « cerveau droit », c'est-à-dire métaphoriques (condensation), poétiques et imagés (langage du rêve), sensitifs (langage des sens); le cerveau droit ignore la négation, vos messages doivent donc très systématiquement conserver le mode positif (pas de « ne pas »).
Les silences accompagnés d’actes effectivement rassurants sont utiles et laissent aux clients le temps de se décider à prendre la parole (les praticiens sont attentifs à ne pas laisse leur angoisse raisonnante prendre le dessus: pas de couverture linguistique obscurcissante, pas d’explications interminables, mais des paroles mesurées, chaleureuses, colorées, rassurantes).
Rompre l’anonymat:
Dans les situations de déréliction, l’anonymat subi est toujours vécu comme une agression: il n’est qu’à considérer les plaintes récurrentes des patients après hospitalisation (« j’ai été traité comme un morceau de viande », « j’étais un numéro », etc). Le sentiment d’agression lié à la persistance de l’anonymat subi est évidemment plus important chez les victimes de catastrophe et d’attentat. Il est impliqué, de façon circulaire, dans la désagrégation du périmètre de sécurité, le vacillement des représentations inconscientes du corps, la fêlure narcissique, le sentiment de désappartenance.
Réchauffer, nourrir et favoriser la communication avec l’extérieur sur les lieux du drame, puis le décorum des locaux d’accueil, sont les premiers éléments importants de l’action de réidentification interindividuelle que les professionnels doivent pratiquer au plus vite. Il est, en outre, un détail dont l’importance ne saurait être négligée: tous les membres de l’équipe doivent arborer sur la poitrine un badge d’identification très lisible avec prénom, nom et fonction (unité mobile d’intervention psychanalyse), ainsi que leur photo. De même, ils distribueront à chaque personne dont ils commenceront à s’occuper, des badges sur lesquels ils écriront très lisiblement leur prénom et leur nom, de façon que, très vite, il n’y ait plus du tout d’anonymat.
Ils énonceront clairement à tous, collectivement, brièvement et avec suffisamment d’assurance et de détermination imagée, la définition de leur mandat en insistant sur leur mission de préservation de la bonne santé à long terme de chacun.
Le timing:
Un rythme non trépidant, mais suffisamment soutenu est nécessaire, en tant qu’il est un message analogique puissamment rassurant et recomposant de l’enveloppe. Cela implique l’existence réelle d’un protocole d’action correctement séquencé et abondamment instrumenté (si les professionnels courent après les couvertures, que le café et le chocolat sont à 10 km et que les badges n’ont pas encore été achetés... autant de messages analogiques désorganisants et anxiogènes).
La mise en place des groupes de recalibrage:
En nombres pairs, pour faciliter le temps du massage réciproque, et, si possible, pas plus de 10 par groupe. En effet, l’expérimentation psychosociologique a mis en évidence que 10 est un nombre limite quant aux possibilités de communication globale (protogroupe), c'est-à-dire sans formation de sous-groupes mal régulables qui tendent à réinstaurer une forme d’anonymat et des attitudes de rejet (métagroupe).
Dans la plupart des cas, le travail sera plus facile, si les professionnels constituent un groupe particulier aux personnes qui ont perdu un proche dans la catastrophe. La mise en place qui suit devra être remaniée en certains points pour le groupe touché par la mort d’un proche: moins nombreux, plus entourés, avec possibilité d’isolement pour un individu avec un soignant, médication sédative.
Le temps de l’expression verbale croisée:
Il n’est pas toujours facile, pour un soignant, de démarrer cette séquence, car il craint le resurgissent de l’angoisse alors qu’il vient de consacrer son énergie à la juguler. Il y a donc un pas à franchir.
Cela peut, par exemple, se faire ainsi:
« A présent que nous avons bien chaud, que nous commençons à nous connaître un peu, que nous avons bu un bon café et que nous savons que nos familles sont informées de notre bon état, nous allons passer au deuxième temps important: chacun de vous, l’un après l’autre, va raconter en détails ce que ses yeux ont vu, ce que ses oreilles ont entendu, ce que son nez a senti, ce que sa peau a ressenti, à partir du moment où il a compris qu’il se passait quelque chose de grave. Qui est-ce qui se sent le plus la force de commencer ? »
La thérapie de famille en co-thérapie est plus efficace qu’avec un thérapeute seul; ici aussi, il est important que les soignants interviennent en binôme, ils seront beaucoup plus efficaces. Ils pourront se distribuer la tâche ainsi: un animateur, très présent, empathique, interactif avec la victime qui parle, et un « berger analogique », attentif à l’ensemble du groupe et qui peut se déplacer pour se coller tout près d’une personne en train de perdre pied et la soutenir analogiquement, ou encore détacher momentanément une personne du groupe.
L’animateur « actif » doit pratiquer une écoute effectivement réceptive:
1. Quand une personne parle, il garde et garantit un silence attentif.
2. S’il prend la parole, c’est avec un de ces objectifs précis:
- montrer qu’il comprend et qu’il suit bien
- demander un complément de développement si trop succinct
- poser des questions ouvertes qui alimentent le discours du « parlant »
- reformuler clairement les séquences obscures ou très empreintes d’angoisse, pour montrer qu’il comprend et veut le faire partager à tous
- demander de préciser le sens d’un mot ou d’une formule
- manifester son approbation, des encouragements, son admiration
3. Au fur et à mesure des récits, il soulignera les ressemblances perceptives et émotionnelles entre les récits, et les différences, avec des phrase courtes, en restant attentif à l’adéquation de son analogique et en prenant grand soin de ne pas laisser son angoisse écraser sa propre expression émotionnelle.
4. A chaque occasion, enfin, il propose des recadrages et des recalibrages.
Recadrages:
« vous avez oublié, mais quand vous êtes sorti du ventre de votre mère, ça a dû être un sacré choc aussi ! »
Il s’agit de proposer une association différente à l’événement traumatique, de façon que cet événement, ainsi recontextualisé, prenne une allure plus familière, donc plus maîtrisable et moins dangereuse.
Recalibrages:
« Souvenez-vous: quand, dans votre vie passée, avez-vous entendu un bruit aussi fort ou à peu près aussi fort ? senti une secousse pareille ? éprouvé une telle émotion ? eu aussi chaud (aussi froid) ? Vu une chose qui y ressemble ? »
Il s’agit de diviser la tonalité émotionnelle en autant de parcelles que possibles, en la recontextualisant unité sensitive par unité sensitive, de la même façon que dans le recadrage. Ainsi, l’émotion exceptionnelle se réduit en émotions plus petites, associées à du « déjà connu », donc plus maîtrisable.
Le temps de l’expression iconique combinée:
Elle peut se faire par groupes cooptés de deux personnes; les couples de dessinateurs s’attellent à un dessin qui doit représenter le drame d’une manière non représentative directe, avec la règle interactive du squiggle de Winnicott.
La règle doit être énoncée sur un ton éricksonien, lent, rythmé, entrecoupé de pauses:
« Nous pouvons à présent passer à la seconde séquence de notre travail. Vous allez faire un dessin à deux, dans les conditions que je vais vous dire tout à l’heure. Ce dessin, seul un adulte peut le faire car il devra montrer, à travers des formes et des couleurs non figuratives, les émotions que vous vivez et que vous avez vécues lors du drame. Voila comment vous devrez faire: le premier fait quelques traits ou quelques formes, et le second continue en utilisant les traits et les formes du premier... Allez-y, nous vous accompagnons. »
Quand le temps imparti est terminé (½h. suffit), on expose les oeuvres côte à côte et on les commente tous ensemble, en favorisant l’expression émotionnelle de tous et en cherchant à générer des métaphores sensori-motrices (ça monte, descend, explose, vibre, bouge, tourne, etc.).
Le temps du réapprivoisement corporel:
A présent, le groupe a pris une consistance symbolique et imaginaire suffisante, il devient possible, pour les uns et les autres, de se toucher physiquement. On peut commencer par une séquence de relaxation (choisir une technique simple: le Schultz n’est pas idéal en la circonstance), tous les patients sont étendus au sol, confortablement; lorsque la relaxation est terminée, les gens passent de la position étendue à la position assise au sol, ou sur une chaise face à face, et se massent mutuellement les mains avec du Monoï (pas cher et idéal à tous points de vue; prévoir des serviettes papier pour protéger les vêtements et essuyer les mains). Le massage des pieds ne peut malheureusement pas leur être proposé, car on ne fait pas se déchausser quelqu’un sans l’en avoir prévenu la veille (hygiène, trous dans les chaussettes !); je le proposerais cependant aux membres du groupe en deuil, en commençant par un lavage bien chaud des pieds (prévoir des cuvettes).
Le massage mutuel des trapèzes est, lui aussi, facile à pratiquer et très apaisant; il renforce l’unité du groupe et son sentiment de sécurité collective. Il se pratique sans huile, à travers les vêtements, à genoux derrière la personne assise au sol ou debout derrière la personne assise sur une chaise.
Avant de débuter tout massage, le rituel est le suivant:
« Je souhaite vous masser les mains, est-ce que vous m’y autorisez ? »
Le temps du théâtre:
Le temps de massage crée un degré d’intimité surprenant entre les protagonistes (conversations à deux dans une tonalité intimiste, mémorisation des prénoms, confidences). Il devient possible d’accéder à un niveau ludique, dont le but est d’amener les membres du groupe à rire ensemble. Pour ce faire, on peut diviser le groupe en deux et que chaque sous-groupe construise un scénario, de façon que chacun y ait un rôle (si accident ferroviaire, l’un fera la locomotive, un autre un wagon, etc.). Nous travaillons ici avec des gens qui n’ont pas perdu un proche dans la catastrophe: nous pouvons donc orienter sans crainte le jeu théâtral vers une dérive ludique.
La récréation, une petite boisson:
pas plus d’ ¼ d’heure, car, au delà, le groupe tend à se désintégrer. Pour éviter le délitement, il est même préférable de servir les gens autour d’une table.
Recalibrage temporo-émotionnel:
Ensuite, on peut passer à un exercice de recalibrage temporo-émotionnel très important, par exemple sous la forme de la rédaction d’une lettre fictive à un ami, quinze jours après le catastrophe, puis six mois après le catastrophe, puis cinq ans après...
On lit ensuite les lettres, en demandant au collectif d’en commenter positivement la plausibilité de façon à ce que la marque du temps passé soit suffisamment inscrite dans chacune des missives.
La préparation du rituel de séparation-retrouvailles:
De nouveau assis en cercle, le soignant évoque le temps qui a passé si utilement pour tous; il évoque aussi le fait que, bientôt, chacun va repartir dans ses foyers. Il met en place la séance suivante, si possible à une semaine. La facilité de cette séquence est très dépendante de l’origine géographique de chacun, mais il faut savoir que, avec ou sans l’aide de l’équipe d’intervention, ces gens chercheront de toute façon à se revoir. Il me semble très préférable que ces retrouvailles s’opèrent sous la houlette de l’équipe d’intervention, plutôt qu’à travers la constitution d’une association revendicatrice et procédurière.
Le temps du repas:
Dans le déroulement du protocole, il aura probablement fallu insérer un temps de repas. Ce repas doit promouvoir et renforcer la cohésion du groupe total, c'est-à-dire avec les intervenants (pas question, pour eux, de manger dans une autre pièce, même s’ils ont le juste sentiment que cela leur ferait autant de bien que les rituels « café » à l’hôpital !).
Conclusion.
J’ai averti mes lecteurs, au début de cette seconde partie, de ce qu’ils ne dépasseraient pas les limites imposées à eux par leur épistémologie . Il en résulte ceci, que le protocole ici proposé est, avant tout, une incitation à l’innovation en la matière. Il me semble important que les équipes psys d’intervention d’urgence n’hésitent pas à le modifier, le recombiner, l’abandonner même, au bénéfice de quelque chose qui leur ressemble et dans lequel ils se reconnaîtrons suffisamment pour générer l’adhésion des individus victimes de catastrophes, avec lesquels ils entreprendront le travail de recalibrage, dont nous savons qu’il est nécessaire à la reconstruction de l’être.
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Institut National d’Aide aux Victimes et de Médiation
4/14, rue Ferrus, 750I4. Paris.
Tél. : (1) 45. 88. 19. 00.
L’INAVEM regroupe 150 services d’aide aux victimes de la délinquance, répartis sur toute la France.
Association de Langue Française pour l’Etude du Stress Traumatique (ALFEST)
22, rue d’Avron. 75020. Paris.
Société Suisse de Psychotraumatologie
Elle propose aide aux victimes et formation aux professionnels.
Tous renseignements disponibles sur WWW.stress-trauma.com
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La théorie freudienne des pulsions se constitue comme une tentative d’encadrement et d’ordonnancement de la question de l’émotionnel. Dans le cas de la NPT, le recours à la théorie des pulsions n’est pas toujours nécessaire; l’émotion dont il est question relève, soit du sentiment de la proximité de la mort, soit d’une agression destructrice de l’organe identitaire (viol, trahison, cambriolage...)
DSM IV : troubles anxieux
(309.811) État de stress post-traumatique
A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :
1. Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d'autrui a pu être menacée.
2. La réaction du sujet à l'événement s'est traduite par une peur intense, un sentiment d'impuissance ou d'horreur. NB. Chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations.
B. L’événement traumatique est constamment revécu, de l'une (ou de plusieurs) des façons suivantes :
(1) souvenirs répétitifs et envahissants de l'événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions. NB. Chez les jeunes enfants peut survenir un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme.
(2) rêves répétitifs de l'événement provoquant un sentiment de détresse. NB. Chez les enfants il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable.
(3) impression ou agissements soudains « comme si » l’événement traumatique allait se reproduire (incluant le sentiment de revivre l'événement, des illusions, des hallucinations, des épisodes dissociatifs (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d'une intoxication). NB. Chez les jeunes enfants, des reconstitutions spécifiques du traumatisme peuvent survenir.
(4) sentiment intense de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l'événement traumatique en cause.
(5) réactivité physiologique lors de l'exposition internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect de l'événement traumatique en cause.
C. Évitement persistant des stimulus associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la présence d'au moins trois des manifestations suivantes :
(1) efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme.
(2) efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme
(3) incapacité de se rappeler d'un aspect important du traumatisme
(4) réduction nette de l'intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités
(5) sentiment de détachement d'autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres
(6) restriction des affects (p. ex. incapacité à éprouver des sentiments tendres)
(7) sentiment d'avenir « bouché » (p. ex. pense ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants, ou avoir un cours normal de la vie).
D. Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme) comme en témoigne la présence d'au moins deux des manifestations suivantes :
(1) difficultés d'endormissement ou sommeil interrompu
(2) irritabilité ou accès de colère
(3) difficultés de concentration
(4) hypervigilance
(5) réaction de sursaut exagérée
E. La perturbation (symptômes des critères B, C et D) dure plus d'un mois.
F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.
Spécifier si :
Aigu : si la durée des symptômes est de moins de trois mois.
Chronique : si la durée des symptômes est de trois mois ou plus.
Spécifier si :
Survenue différée : si le début des symptômes survient au moins six mois après le facteur de stress.
[308.3] État de stress aigu
A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :
(1) le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d'autrui a pu être menacée
(2) la réaction du sujet à l'événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d'impuissance ou d'horreur. NB. Chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations
B. Durant l'événement ou après avoir vécu l'événement perturbant, l'individu a présenté trois (ou plus) des symptômes dissociatifs suivants :
(1) un sentiment subjectif de torpeur, de détachement ou une absence de réactivité émotionnelle
(2) une réduction de la conscience de son environnement (par ex. « être dans le brouillard »)
(3) une impression de déréalisation
(4) de dépersonnalisation
(5) une amnésie dissociative (p. ex. incapacité à se souvent d'un aspect important du traumatisme).
C. L'événement traumatique est constamment revécu, de l'une (ou de plusieurs) des manières suivantes : images, pensées, rêve, illusions, épisodes de flash-back récurrents, ou sentiment de revivre l'expérience, ou souffrance lors de l'exposition à ce qui peut rappeler l'événement traumatique.
D. Évitement persistant des stimulus qui éveillent la mémoire traumatisme (par ex. pensées, sentiments, conversations, activités, endroits, gens).
E. Présence de symptômes anxieux persistants ou bien manifestations d'une activation neurovégétative (p. ex. difficultés lors sommeil, irritabilité, difficultés de concentration, hypervigilance, réaction de sursaut exagérée, agitation motrice).
La perturbation entraîne une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants ou altère la capacité du sujet à mener à bien certaines obligations comme obtenir une assistance nécessaire ou mobiliser des ressources personnelles en parlant aux membres de sa famille de l'expérience traumatique.
G. La perturbation dure un minimum de 2 jours et un maximum de 4 semaines et survient dans les 4 semaines suivant l'événement traumatique.
H. La perturbation n'est pas due aux effets physiologiques directs d'une substance (p. ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou une affection médicale générale, n'est pas mieux expliquée par un Trouble psychotique bref et n'est pas uniquement une exacerbation d'un trouble préexistant de l'Axe I ou de l'Axe Il.