Jean-Paul Gaillard
in revue Thérapie familiale. Vol. XX n° 4.1999.
Editions Médecine et Hygiène. Genève.
Résumé : Institution et violence: une lecture systémique. L'auteur met en évidence les liens étroits entre la violence institutionnelle et la violence individuelle, au sein des établissements d'éducation spécialisée ou psychiatriques. Il montre que les notions de norme, mythe et rituel sont particulièrement opératoires pour comprendre et modifier efficacement les dynamiques institutionnelles et interindividuelles au sein d'une institution. A partir du concept de « miracle furtif » il montre que la désintrication entre norme et mythe génère indéfiniment la pathologie. A partir du concept de « petites claques sur la tête » il met en évidence un mécanisme majeur de chronicisation des troubles psychopathologiques.
Mots clés : violence - norme - mythe - rituel - danse rituelle - auto-organisation - émergence - enaction - identité - bergers identitaires - mythe d'équipe - mythe de survie - greffe mythique - espace de liberté - petite claque sur la tête - miracle furtif
Summary : Institution and violence: a systémic view. The author shows the strong bonds between institutional violence and interpersonal violence, in éducational or psychiatric organisations. He shows how the notions of norm, myth, ritual are operating for understanding and modifying efficiently the institutional and interpersonal dynamics in an organisation. With the concept of « furtive miracle » he shows that the dissociation between norm and myth is producing pathology, indefinitely. With the concept of "little slap on the head" he shows an hight mechanism of chronicity.
Key-words: violence - norm - myth - ritual - ritual dance - auto-organisation - emergence - enaction - identity - identitar shepherd - skeep myth - surviving myth - myth to graft - free space - little slap on the head - furtive miracleLa violence dans l'institution est un phénomène particulièrement complexe, qui, si l'on peut parfois l'imputer à un individu ou à un petit groupe d'individus, ne se résume jamais à eux seuls. Une réflexion sur la violence dans l'institution implique qu'on s'interroge sur les différents niveaux de violence qui la composent. De même, une volonté de régulation de la violence dans l'institution passe nécessairement par des remaniements à ces différents niveaux.
Erwing Goffman, dans Asile, a remarquablement mis en évidence l'un de ces niveaux de la violence, en décrivant les rituels qui se déploient dans toute institution.
L'analyse que je propose de la violence dans ses rapports à l'institution s'inscrit dans la suite des travaux de Goffman, en s'appuyant sur les acquis théoriques et pratiques en thérapie systémique. Je sais, pour l'avoir longuement expérimenté en compagnie d'équipes éducatives et soignantes, qu'elle peut ouvrir à des perspectives de réflexion-action élargies pour les professionnels oeuvrant en institution.